A son arrivĂ©e, le RGPD a bousculĂ© les habitudes des dĂ©partements marketing en imposant de nouvelles obligations aux entreprises. Ces obligations ne sont toutefois pas toutes nouvelles en France, le RGPD pouvant ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une version renforcĂ©e de notre loi « Informatique et LibertĂ©s » (loi ná” 78-17 du 6 janvier 1978).
En 2018, Ă la veille de lâentrĂ©e en application du RGPD, nous avons Ă©tĂ© nombreux Ă recevoir une avalanche dâinvitations de la part des services marketing afin de consentir Ă recevoir des sollicitations de leur part. Cette annĂ©e, quatre ans plus tard, lâattention revient sur les services marketing avec lâannonce par la CNIL de la prospection commerciale comme lâun de ses thĂšmes de contrĂŽle pour 2022.
Quel impact du RGPD sur les services marketing ? Le cĆur dâactivitĂ© dâun service marketing nĂ©cessite le traitement des donnĂ©es Ă caractĂšre personnel des clients et potentiels consommateurs : prĂ©sentation â parfois personnalisĂ©e â des biens et services pour stimuler le besoin, recueil des avis sur ces biens et services, suivi et analyse des parcours des internautes, Ă©tablissement de statistiques diverses⊠Lâutilisation des donnĂ©es personnelles en marketing est aujourdâhui inĂ©vitable.
Il est donc essentiel pour les services marketing dâĂȘtre en mesure de faire corps avec la protection des donnĂ©es personnelles dont disposent les personnes physiques. Comment se conformer Ă ces exigences ? Quelles pratiques adopter ?
Lors de lâarrivĂ©e du RGPD, la focalisation sur le consentement de la personne concernĂ©e pour justifier tout traitement de donnĂ©es a pu faire de lâombre aux cinq autres bases lĂ©gales prĂ©vues par lâarticle 6.1 (exĂ©cution dâun contrat, obligation lĂ©gale, intĂ©rĂȘt lĂ©gitime de lâentreprise âŠ). Bien que, dans le cadre des traitements de donnĂ©es des activitĂ©s de marketing, la connaissance et la stimulation des besoins des personnes nĂ©cessitent souvent leur consentement, certaines situations ne le nĂ©cessitent pas forcĂ©ment.
Dans son rĂ©fĂ©rentiel relatif Ă la gestion des activitĂ©s commerciales paru en fĂ©vrier 2022, la CNIL propose dâautres bases lĂ©gales pour certaines opĂ©rations marketing : lâintĂ©rĂȘt lĂ©gitime de lâentreprise peut ĂȘtre utilisĂ© pour les actions de prospection commerciale sans nĂ©cessitĂ© de rĂ©colte de consentement
Lâutilisation de cookies et autres traceurs (pixel de traçage, fingerprinting, etc.) afin de permettre, par exemple, la publicitĂ© personnalisĂ©e nĂ©cessite obligatoirement la rĂ©colte du consentement de lâinternaute.
Attention, ici le consentement demandĂ© Ă lâinternaute ne dĂ©coule pas du RGPD mais de lâarticle 82 de la loi « Informatique et LibertĂ©s » (issu de lâarticle 5.3 de la directive ePrivacy). Par consĂ©quent, comme il ne sâagit pas dâun choix entre six potentielles bases lĂ©gale du RGPD mais dâun choix binaire imposĂ© par la directive (consentement ou non),lâintĂ©rĂȘt lĂ©gitime ne peut donc pas ĂȘtre utilisĂ© pour quâun cookie puisse ĂȘtre dĂ©posĂ© ou lu !
NĂ©anmoins, il existe un lien entre le consentement au dĂ©pĂŽt de cookie et le consentement du RGPD : le consentement de lâarticle 82 de la loi « Informatique et LibertĂ©s » doit rĂ©pondre aux mĂȘmes caractĂ©ristiques que celles du consentement posĂ©es par le RGPD ⊠que nous allons dĂ©tailler.
Les articles 4.11) et 7 du RGPD imposent de nouveaux standards en matiĂšre de consentement au traitement de donnĂ©es. Le consentement doit ĂȘtre donnĂ© par un acte positif clair qui est « libre, spĂ©cifique, Ă©clairĂ© et univoque ». DĂ©taillons ces exigences :
Attention au consentement des mineurs pour les services de la sociĂ©tĂ© de lâinformation proposĂ©s directement Ă des enfants (tels que « les informations liĂ©es aux produits ou services, y compris les activitĂ©s de marketing » comme lâexplique le G29). En France, le traitement des donnĂ©es personnelles dâun enfant de moins de 15 ans fondĂ© sur le consentement nâest licite que si le consentement est donnĂ© ou autorisĂ© par le titulaire de la responsabilitĂ© parentale. Le G29 explique Ă©galement que dans le cadre de traitements Ă faible risque pour les personnes, « la vĂ©rification de la responsabilitĂ© parentale par courrier Ă©lectronique peut ĂȘtre suffisante ».
Une fois « bien » rĂ©coltĂ©, le responsable de traitement doit ĂȘtre en mesure dâapporter la preuve que le consentement a bien Ă©tĂ© recueilli. Le RGPD ne prescrivant pas prĂ©cisĂ©ment comment cela doit ĂȘtre fait, les responsables de traitement sont libres dans cette dĂ©monstration (ce qui renvoi au principe dâaccountability). Il est alors possible, par exemple, dâavoir recours Ă lâhorodatage par un clic ou un acte de navigation pour prouver ce recueil, il peut sâagir dâune signature sur un formulaire papier ou Ă©lectronique, mĂȘme si cette mĂ©thode se rĂ©vĂšle trĂšs peu adaptĂ©e aux traitements marketing. La pratique du double opt-in (confirmer Ă nouveau son accord Ă recevoir des mails de sollicitation dans un mail initial de confirmation) est Ă©galement une bonne pratique. Le CEPD (comitĂ© europĂ©en composĂ© des reprĂ©sentants nationaux des autoritĂ©s de contrĂŽle, telle que la CNIL pour le France) propose par exemple, « dans lâenvironnement en ligne, de conserver des informations sur la session lors de laquelle le consentement a Ă©tĂ© donnĂ©, parallĂšlement Ă la documentation sur le flux de travail relatif au consentement Ă lâĂ©poque de la session et Ă une copie des informations fournies Ă lâĂ©poque Ă la personne concernĂ©e. »
Dans certains cas, il est également nécessaire de renouveler réguliÚrement le consentement de la personne concernée.
Câest le cas du dĂ©pĂŽt/lecture de cookies sur le terminal de lâinternaute. Dans cette situation, la CNIL explique dans ses recommandations relatives aux cookies que le consentement de lâinternaute peut ĂȘtre oubliĂ© par celui-ci dans le temps. Par consĂ©quent, la Commission recommande de renouveler son recueil Ă des intervalles rĂ©guliĂšres. A cet effet, la CNIL considĂšre quâun dĂ©lai de 6 mois constitue une bonne pratique.
Le RGPD nâimpose pas de renouveler Ă intervalles rĂ©guliers le consentement. Cependant, lâICO (CNIL anglaise) recommande un renouvellement du consentement tous les 2 ans dans le cadre de pratiques protection de la vie privĂ©e des personnes.
Enfin, pour rappel, si les donnĂ©es avaient Ă©tĂ© collectĂ©es avant lâentrĂ©e en application du RGPD (25 mai 2018), les traitements marketing ne sont licites seulement si le consentement a Ă©tĂ© rĂ©coltĂ© dans les conditions prĂ©vues par le RGPD et dĂ©taillĂ©es plus haut (opt-in).
Les consommateurs ou professionnels peuvent cesser de porter un intĂ©rĂȘt aux sollicitations des services marketing. Outre lâagacement de recevoir des sollicitations non dĂ©sirĂ©es (et le potentiel passage de ces derniĂšres en spam) qui produirait lâeffet inverse de celui recherchĂ©, la rĂ©glementation impose de pouvoir faire cesser ces sollicitations :
La directive ePrivacy se recoupe ici Ă nouveau avec le RGPD : dans le cadre de la prospection commerciale par voie Ă©lectronique, son article 13 (transposĂ© Ă lâarticle L34-5 du Code des postes et des communications Ă©lectroniques) rend indispensable le fait de proposer Ă chaque message Ă©lectronique un moyen simple de sâopposer Ă la rĂ©ception de nouvelles sollicitations (par exemple avec un lien pour se dĂ©sinscrire Ă la fin du message).
La premiÚre étape sera la distinction entre les catégories de personnes concernées :
La deuxiĂšme Ă©tape consiste Ă insĂ©rer le mĂ©canisme dâopt-in si nĂ©cessaire et, indĂ©pendamment de la nĂ©cessitĂ© dâopt-in, dâinformer la personne de lâutilisation de ses donnĂ©es pour rĂ©aliser de la prospection :
Point dâattention, le parrainage : ici, lâentreprise demande Ă une personne de renseigner les coordonnĂ©es dâun tiers susceptible dâĂȘtre intĂ©ressĂ© par une offre commerciale, un article ou une annonce en ligne. Dans cette situation, sont manipulĂ©es des donnĂ©es personnelles dâun parrainĂ© nâayant jamais donnĂ© son consentement. La CNIL admet cette entorse au principe du consentement Ă certaines conditions :
Plus la base de donnĂ©es clients et prospects est grande, plus nombreuses sont les cibles et potentiellement plus important est le nombre de conversions. NĂ©anmoins, la conformitĂ© au RGPD et plus largement Ă la protection des donnĂ©es personnelles pose des limites Ă la collecte de masse de donnĂ©es. Dâailleurs, il est interdit de rĂ©utiliser des donnĂ©es dans un autre but que celui pour lesquelles elles ont Ă©tĂ© collectĂ©es.
Lâenjeu est donc de dĂ©passer le stade de la contrainte pour tourner ces exigences en opportunitĂ©s. La protection des donnĂ©es personnelles oblige le marketing Ă se recentrer aujourdâhui sur la qualitĂ© plutĂŽt que la quantitĂ©. Cela implique, par exemple pour la prospection commerciale par voie Ă©lectronique, une rĂ©duction du nombre des personnes touchĂ©es par les opĂ©rations de prospection. LâopportunitĂ© peut ĂȘtre perçue sur lâimage de lâentreprise, grĂące Ă la rĂ©duction de lâagacement envers lâentreprise Ă©mettrice pour les personnes plaçant ces sollicitations immĂ©diatement dans leur corbeille ou indĂ©sirables. LâopportunitĂ© peut Ă©galement ĂȘtre perçue dâun point de vue environnemental, avec une rĂ©duction de la pollution engendrĂ©e par le trafic internet.
â Nathan Brichet